The Cloud Making Machine - Laurent Garnier
S'il existe une référence et un modèle dans le petit
monde électronique français, c'est bien Laurent Garnier. Il est, en vrac : DJ
internationalement reconnu, compositeur épanoui, artiste de scène, patron d'un
label, découvreur de talents. Rien que ça.
Ses albums précédents :
30, Unreasonnable behaviour ainsi que le coffret mixé
Excess Luggage furent des succès autant au niveau critique que
commercial. Il fut le premier à faire résonner des boîtes à rythme dans le
mythique Olympia. FCom, le label qu'il dirige avec Eric Morand, est une
véritable référence autant par la qualité que pour les risques pris en signant
avec des artistes débutants. Autant dire que son nouveau disque était attendu,
surtout à un moment où la scène électronique manque un peu
d'inspiration.
The Cloud Making Machine est donc arrivé, surprenant à plus d'un titre. Exit les pistes de danse pour celui qui sait si bien faire remuer des milliers de fesses, place à un disque d'atmosphères et d'ambiances. L'album se caractérise par la présence de nombreux instruments "organiques" : des cordes arabes (un oud), un sax, les claviers de Bugge Wesseltoft, et même des voix ... En gros, tout y est réuni pour produire ce qui pourrait être l'album raté d'un compositeur électronique qui voudrait acquérir une respectabilité et une crédibilté dans une musique dite plus sérieuse. Les exemples ne manquent pas de ceux qui s'y sont essayés et ont produit soit une pâle copie de bande-originale de film, soit un album fastidieux, voire pire, les deux ...
Sauf que Laurent Garnier réussit quand même à nous
épater un peu ... Dès les premières notes, on identifie clairement le "son
Garnier" si caractéristique, à base d'accords mineurs. Et morceau après morceau,
les ambiances du début de l'album se succèdent avec réussite : le sublime et
déchirant Huis Clos, le sombre et oppressant Barbiturik Blues.
En aucun cas, les parties des "vrais" instruments ne semblent posées sur les
rythmiques électroniques pour faire crédible : l'ensemble est harmonieux et bien
organisé.
La seconde moitié de l'album est plus déroutante et inégale. Pour
le pesant cri de colère First Reaction et l'hommage un peu potache au
rock de (I wanna be) waiting for my plane, on n'aura droit qu'à un clin
d'œil digne d'intérêt à la dance music avec l'excellent Controlling the
house Pt. 2.
Ce n'est donc au final qu'un succès mitigé car on était en droit d'exiger un coup de maître de ce monsieur - qui en est un, de maître. Ce goût d'inachevé vient autant des morceaux "seulement" à demi réussis, que du manque global d'unité qu'ils procurent à l'ensemble de l'album. Certes, ce genre de projet soulève des espérances parfois démesurées. Et peut-être que les rares références de succès absolu dans cette catégorie - je ne citerais qu'Innerzone Orchestra, le projet de Carl Craig - sont tout bonnement inaccessibles.
Cette critique est initialement parue il y a trois semaines dans Points de vue, un webzine culturel auquel je collabore et sur lequel vous retrouverez toutes mes humeurs musicales en exclusivité.